En 2020, 15 ans après le vote de la loi, promulguée sous la Présidence de Jacques Chirac, qu’en est-il en matière d’inclusion des personnes handicapées ? Les droits établis en 2005 sont-ils tous respectés, et leur statut a-t-il évolué ? Comment la loi a-t-elle été appliquée ?

Retour sur la loi sur l’Egalité des Droits et des Chances
Le 11 février 2005 était votée une loi fondatrice dans l’histoire du statut des personnes en situation de handicap : la loi sur l’Egalité des Droits et des Chances. Cette loi oblige à une mise en accessibilité des Établissements Recevant du Public (ERP) et des Installations Ouvertes au Public (IOP).

Pour ce faire, des équipements aux normes de l’accessibilité doivent être installés dans les Bati Existant. Ainsi, les espaces des bâtiments sont « réhabilités » et peuvent accueillir ceux dont l’autonomie est faible (personnes en fauteuil roulant, aveugles, malvoyants, sourds, personnes de petite taille mais aussi femmes enceintes et personnes portant de lourds bagages…).

Mais l’accessibilité ne concerne pas seulement les bâtiments et ce qui est purement matériel, elle concerne l’accès à la culture, à l’éducation ou encore au travail.
Finalement, l’accessibilité, c’est que tout le monde ait accès à la « même citoyenneté », et d’inclure la totalité des citoyens indépendamment de leurs handicaps, leurs fragilités.  

Retard de l’accessibilité dans les ERP
Pour ce qui est des ERP 5 (commerces de proximité, petits établissements à petite et moyenne capacité d’accueil), ils souffrent d’un retard et ne sont pas tous conformes aux normes de l’accessibilité. Les transports sont aussi peu accessibles (infrastructures du métro et transports publics dans son ensemble). Les bâtiments publics (collectivités publiques dont les mairies) sont dans leur globalité assez faciles d’accès aujourd’hui.
 
Dans la loi 2005, les mairies, les musées, les commerces, les cabinets médicaux ont 10 ans pour se rendre accessibles. Le délai est le même pour les transports publics. L'article 41 décrit:  "Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique. Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage."
 
Au premier janvier 2015, les établissements étaient censés être rendus accessibles mais un autre cadre juridique a été mis en place : les Ad’ap. La raison d’être des Ad’ap, dispositif administratif est d’organiser de 2014 à 2019 (date de la clôture : 31 mars 2019 même si la mise en conformité a été repoussée à 2024) les travaux afin de permettre aux gestionnaires des établissements de prévoir intelligemment leurs dépenses.
 
Les Ad’ap apportent de la souplesse dans la mise en œuvre de la loi. Avec les Ad’ap, le degré de tolérance est plus élevé et les gestionnaires des établissements recevant du public peuvent penser l’aménagement et les dépenses sur un long terme, sans risquer de recevoir une sanction telle une amende, voire même, la fermeture administrative de leur établissement.
 
L’on constate en 2020, selon la Déléguée Ministérielle à l'accessibilité que 350 000 ERP auraient rendu possible l’accueil et les libres déplacements sécurisés des personnes à mobilité réduite.
 
En revanche, 3% des lignes de métro sont accessibles. En Île de France, seulement 17% des gares régionales sont accessibles. Il est par ailleurs très difficile d’obtenir des chiffres précis concernant les ERP de 5e catégorie. Mais entre les ERP difficilement accessibles et ceux qui ne le sont pas, la France souffre d’un retard important.

Accessibilité douloureuse dans les écoles…



Lors de la récente Conférence Nationale du Handicap (CNH) qui s’est déroulée à l’Élysée, Emmanuel Macron a évoqué les problèmes d’accessibilité autant matériels qu’humains que rencontrent les enfants en situation de handicap. L’emploi des accompagnants, leurs statuts, la nature de leurs contrats (CDD renouvelés indéfiniment) demeurent des problèmes importants.

L’effectif des accompagnants n’est pas suffisant, notamment, car leurs conditions de travail (entre autres, le temps partiel) ne permettent pas de les fidéliser, et donc de pouvoir compter sur eux sur un moyen et long terme.

La loi dicte que tous les enfants ayant un handicap ou un trouble invalidant, puissent se rendre à l’école la plus proche de leur domicile. Puis, les arrêtés (dont celui du 8 décembre 2014) fixent les dispositions à prendre pour rendre possible cette obligation d’égalité : installation d’une rampe d’accès pour le franchissement des marches à l’entrée d’un bâtiment, élévateurs ou ascenseurs adaptés pour le déplacement en hauteur, etc.

La question de l’accueil adapté à l’école
En tant que suprême dirigeant des établissements scolaires responsables de l’éducation des enfants et des adolescents, l’État prévoit de mettre en place « Des moyens financiers et humains et solidaires, nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés ».
 De même la loi prévoit « une formation spécifique concernant l'accueil et l'éducation des élèves et étudiants handicapés", pour le personnel enseignant et les éducateurs (CPE, surveillants, etc).

En 2020, on note une évolution même si des progressions sont à espérer et des situations à réajuster : 351 000 enfants ont été scolarisés à la rentrée 2019-2020 contre 151 500 élèves en 2005-2006.

L’accueil est-il assez adapté ? Le cadre de vie à l’école des enfants handicapés est-il assez confortable et sécurisé ? Les accompagnants, dont la mission est d’aider au bien-être et par voie de conséquence à l’inclusion des enfants en situation de handicap au sein de la classe, ne sont pas assez nombreux. Si bien que plusieurs enfants se partagent leur adulte-accompagnant, non formé, et peu reconnu du point de vue du salaire.

Un grand nombre d’enfants se retrouvent sans accompagnement mais aussi déscolarisés, faute de structures. 1 500 sont accueillis dans des établissements spécialisés en Belgique car la France ne dispose pas assez de structures adaptés (cas de l’autisme notamment).
Pour ce qui est des étudiants, les chiffres sont multipliés par 4 : En 2019, 34 000 étudiants sont en situation de handicap et bénéficient après l’obtention du bac, des cours délivrés dans les universités.

Les MDPH, un circuit administratif compliqué
Mission d'accueil, d'information, d'accompagnement et de conseil, de sensibilisation de tous les citoyens au handicap, telles sont les missions des MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées).

L'attribution des droits (indemnités et aides de l’État) à la personne handicapée y est évaluée (Prestation de Compensation du Handicap), entre autres. Cette Prestation de Compensation du Handicap sert à prendre en charge les frais relatifs au handicap de la personne (aménagements du logement, aides humaines, etc.).



Aujourd’hui, les délais d’obtention des droits (aides de la PCH) sont longs et les MDPH fonctionnant au niveau départemental, n’attribuent pas toujours avec équité la Prestation de Compensation du handicap.
Le problème du traitement des dossiers vient de leur nombre important et d’une organisation administrative complexe qu’il serait depuis peu question de simplifier. C’est ce qu’a évoqué Emmanuel Macon lors de la CNH du 11 février 2020. De même, une convention a été passée entre le Secrétariat en Charge des Personnes Handicapées représenté pour sa plus forte autorité Sophie Cluzel et les gestionnaires des MDPH.

Au travail, des inégalités encore flagrantes 
Pour ce qui est du travail inclusif, la loi prévoit des quotas dans la loi de 1987. L’obligation d'emploi des travailleurs handicapés est fixée à une hauteur de 6% pour les entreprises de plus de 20 salariés, mais aussi dans le public.

La loi du 11 février 2005 prévoit le versement d'une contribution à l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées (AGEFIPH) pour le secteur privé ou, au Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP). 
Aujourd’hui, le quota est de 3,4% dans le secteur privé et 5,5% dans le public. 18 % des personnes handicapées (soit 515 000 personnes) sont actuellement au chômage, alors que 8,6% du reste de la population l’est.