Paraplégique depuis ses 22 ans, Yann Jondot est l’un des maires les plus médiatisés de Bretagne. Il est aussi un ancien sportif de haut niveau, dans la discipline du tennis de table. Langoëlan, sa commune dans le Morbihan, abrite un peu plus de 400 habitants.
Le « peu » n’empêche pas la force ! À 52 ans, Yann Jondot se bat sur tous les fronts pour développer l’accessibilité sur tout le territoire français.
Ambassadeur du handicap en Bretagne, décoré de la Légion d’honneur, maire, il poursuit l’aventure sans pour autant se présenter sur la prochaine liste électorale…
 
Rencontre avec Yann Jondot pour qui le rêve serait :
"(...) d'un jour devenir le parti des personnes en difficultés ! Car nous sommes bien plus nombreux qu’on ne l’imagine (...) ».


Yann Jondot, vous considérez-vous comme un militant ?
Dans le cadre de combats citoyens, je suis complètement indépendant de l’état tant au niveau du discours que je souhaite libre que du financement de mes actions.
C’est véritablement un choix philosophique pour moi. Quand nous ne sommes pas dans la politisation de l’action, nous pouvons agir de façon citoyenne, avoir des actions véritablement militantes en ayant toujours à l’esprit notre objectif.
L’égalité des chances est au fondement des lois sur l’accessibilité, et cette notion en recoupe bien d’autres. La loi 2005, je n’y crois plus beaucoup. Sa publication n’aura pas suffi. C’est pour cela que je m’adonne pleinement aux actions citoyennes, indépendantes et autonomes.
Et ce, indépendamment des limites géographiques. Il n’y a pas de frontières dans ce combat.
 
Pour agir ainsi, voyagez-vous beaucoup ?
Je voyage beaucoup et je suis souvent en transit pour aller voir comment cela se passe ailleurs,  au niveau de l’accessibilité. Je reviens de l’île de la Réunion. Bientôt, je vais me rendre en Corse et ce, pour le même objectif, favoriser l’accessibilité des espaces et ainsi, l’inclusion des personnes en situation de handicap.
 
En tant que membre de l’association des maires de la région Bretagne, je peux agir en région, mais je n’ai pas de limites géographiques en France. L’étendu de mes actions est bien plus vaste ! L’idée de diffuser mes idées et celles de mes coreligionnaires au sujet de l’accessibilité m’est essentielle, car selon moi, l’accessibilité de tous à tout recouvre des valeurs fondamentales comme la liberté et l’égalité face à la réussite.
 
Quels sont vos projets pour les semaines à venir au niveau des actions nationales ?
Je cherche justement un référent dans un maximum de communes et ainsi agir dans les municipalités. Le réfèrent permettra de construire un lien sur l’ensemble du territoire. C’est une action citoyenne, au-delà des frontières. La sécurité routière avait elle aussi agit de la sorte. Choisir un référent permet d’étendre ses actions de sensibilisation notamment et l’espace dédié aux échanges et à la parole.
 
Où en est l’accessibilité en France, selon vous ?
La loi 2005 impose que tous les établissements du public disposent d’équipement adaptés pour permettre la venue et la circulation des personnes à mobilité réduite.
 
La rampe d’accès est obligatoire pour permettre le franchissement des seuils ou des marches dès l’entrée dans le bâtiment. Mais les lois et les règlementations se contredisent.
Si l’on installe une rampe d’1 mètre de large sur un trottoir qui fait 90 cm de large et si l’on ajoute à cela que les rampes sont longues et empiètent sur l’espace public, alors certains résidents alentours ou les piétons vont se plaindre car ils ne peuvent pas se déplacer…
La loi de la libre circulation leur donne raison. 
 
Nous sommes en France et nous nous confrontons souvent à un autre problème, celui du patrimoine historique. De nombreux quartiers et bâtiments sont protégés. C’est pour cela que les travaux de maçonnerie sont difficiles à engager dans certains établissements qui relèvent du bâti existant. Les monuments de France protègent la géographie urbaine, dans le cas où par exemple, il faudrait installer une rampe en béton maçonnée.  

 
Quel rôle peut jouer une mairie pour aider les personnes en situation de handicap à circuler plus librement ?
À la mairie de Langoelan, par exemple,  et dans d’autre mairies bretonnes, nous agissons très concrètement pour palier à ces problèmes en prêtant des rampes d’accès mobiles.
Ces rampes amovibles sont confiées aux personnes qui en a besoin, qui ont eu un accident de vie ou qui ont un handicap de naissance, notamment.
Aussi, dans les accueils des établissements du Morbihan, les gestionnaires installent des amplificateurs de son pour permettre aux malentendants dont les séniors d’avoir accès à l’information.
 
Ces dispositifs, rampes d’accès, amplificateurs de son, sont-ils suffisants pour permettre l’accès aux bâtiments ?
Non, cela ne suffit pas. Dans les établissements recevant du public, les personnes en perte d’autonomie ont besoin d’un personnel accompagnant. L’accessibilité matériel est essentielle, mais elle ne remplace pas l’humain.
 
Pour vous, l’accessibilité et le déploiement de solutions adaptées, est-ce exclusivement destiné aux personnes en situation de handicap ?
Pas seulement, le nombre de personnes à qui cela s’adresse est bien plus vaste. La France est habitée en grande partie par des personnes âgées. Nous avons 12 millions de personnes en situation de handicap au totale. S’ajoute à ce chiffre, les enfants et le personnel accompagnant.
 
D’ailleurs, en aparté, la France a une certaine chance dans tout cela, c’est d’avoir des personnes qui accompagnent les personnes âgées et les personnes en situation de handicap.
Et puis, tout le monde va vieillir… C’est une réalité !
 
Ces personnes et tous ceux qui ont besoin d’aide manquent d’autonomie, la solution serait qu’ils s’unissent et qu’ils travaillent ensemble pour la liberté et donc pour un monde plus accessible. La liberté serait je pense de choisir ou vivre et vieillir.
 
Comment agissez-vous personnellement et actuellement en faveur de l’accessibilité ?
Parmi les projets que je lance, il y en a un qui est un peu fou mais qui me tient à cœur, celui de récupérer les plateformes élévatrices des trains qui servent à donner l’accès aux wagons aux personnes invalides. Ces équipements vont changer car la SNCF rénove ses infrastructures. Après les avoir récupérés, j’aimerais les confier à l’association de travail « association territoire et chômeurs » qui permet à des personnes sans emploi de travailler. Après qu’ils aient été retapés, je voudrais qu’ils deviennent les plateformes élévatrices de certains établissements qui en ont vraiment besoin. Ainsi, je les redistribuerai aux communes, pour que ces plateformes remplissent une fonction d’élévateur.


 
Parmi vos nombreux titres, vous êtes décoré de la légion d’honneur, cela a-t-il été utile pour vos actions ?
J’ai été effectivement décoré de la légion d’honneur, une décoration associative et sportive car j’ai été un sportif de haut niveau. Cette décoration, je l’ai reçue avec bonheur et je l’utilise beaucoup, à la manière d’un emblème que je transporte partout avec moi.
 
C’est également un outil de communication, certes. Mais surtout cela m’aide à travailler pour une collectivité. Finalement, c’est une légion d’honneur au service d’une collectivité !
 
Vous sentez-vous porte-parole d’une collectivité ?
Je pense en tant que personne en situation de handicap au quotidien des autres personnes qui ont eu un accident de vie, ou qui sont handicapés de naissance. Vous savez, c’est une compétition de chaque jour de vivre avec un handicap. Je suis honoré de cette décoration et fière de faire valoir les droits des personnes handicapées d’accéder à la liberté.
 
 
Et d’ailleurs, à ce titre, vous êtes d’autant plus leur porte-parole que vous êtes ambassadeur du handicap, n'est-ce pas ?
Je suis ambassadeur du handicap en Bretagne. Je veux poursuivre mes missions sans pour autant me représenter aux municipales, d’ailleurs. Je ne souhaite pas redevenir maire de ma commune même si cela a été une aventure très forte.
 
En tant que maire justement, avez-vous l'impression d'avoir accompli votre mission ?
En tous cas, je pense avoir fait mon maximum. J’ai essayé de sensibiliser les autres en agissant concrètement et parfois même symboliquement, notamment en étant accompagné par un chien guide tout le long du mandat. Ainsi, je souhaitais montrer à tous que l’on peut être aveugle et avoir une vie au quotidien, et souhaité la vivre confortablement et de façon sécurisée. Et bien sûr, je voulais exposer que l’on peut être aveugle et faire de la politique. Les handicapés développent des forces et des compétences qu’il est intéressant de communiquer à tous !
 
Votre mandat arrive à sa fin, quel est l’essentiel à retenir pour vous, qu'est-ce qui vous a marqué ?
Depuis 2014, je suis maire de Langoëlan et je le suis encore pour quelques semaines, oui.
Ce qui m’aura marqué sont les rencontres humaines. Si j’ai vécu un échec, c’est de ne pas avoir assez communiqué et pourtant nous l’avons fait, mais cela n’est jamais assez.J’aimerais un jour devenir le parti des personnes en difficultés ! Car nous sommes bien plus nombreux qu’on ne l’imagine. Nous sommes plus de 12 millions d’handicapés, il faut ajouter les personnes aidantes, accompagnantes, les personnes âgées, donc. Nous sommes sans doute 25 millions et plus.


Le regard des autres autour de vous, vous a-il découragé pendant votre mandat ?
Pour ce qui est du regard des autres, j’ai rencontré peu de gens qui m’ont découragé pour la simple raison que le regard des autres compte peu pour moi. Ce qui compte, c’est le regard que l’on porte sur nous-mêmes.